La Mourabaha: Aspects juridiques et fonctionnement


Par Dr. Mohamed Bechir BELAID


Consultant International et Expert en FinanceIslamique

 

Le produit de la Mourabaha est le mode de   financement le plus utilisé dans les  institutions financières islamiques.  En effet, le démarrage de l’activité bancaire islamique moderne qui a été, durant les années soixante-dix, accompagné par un besoin accru de liquidités pour pouvoir exercer cette activité sur les marchés financiers. C’est pourquoi le choix était orienté vers un produit commercial d’appel qui présente moins de risques et qui fournit de la liquidité tout en étant conforme aux principes de la finance islamique. Il s’agit de la Mourabaha qui correspond à une opération d’achat et de revente d’actif physique et tangible avec une marge bénéficiaire. Ce mode de financement est plus adapté au besoin de la clientèle en le qualifiant de Mourabaha pour donneur d’ordre, c'est-à-dire l’institution financière islamique va procéder aux opérations d’achat des biens sur demande du client. Ce modèle est de nature à faciliter ce mode de financement puisque les banques islamiques n’ont pas nécessairement les moyens d’acheter des biens et de les stocker dans l’attente d’éventuelles ventes au profit de clients potentiels. Dans cette série de notes techniques, il sera question de présenter et d’expliquer les différents aspects de standardisation de ce mode de financement afin de servir de guide pratique à la compréhension et à la maitrise de ce produit financier islamique. La Mourabaha passe par des étapes et procédures qui regroupent principalement l’institution financière islamique en qualité d’intermédiaire commercial, le client qui a besoin de financement et le fournisseur qui est le propriétaire initial du bien.

1. PROCÉDURES PRÉALABLES AU CONTRAT MOURABAHA

1.1 VOLONTÉ D’ACQUISITION DU BIEN PAR LE CLIENT À TRAVERS L’INSTITUTION FINANCIÈRE ISLAMIQUE

Dans ce qui suit, nous allons présenter les différents scénarios se rapportant à cette étape.


- L’institution financière islamique peut procéder à l’achat du bien quand le client exprime sa volonté d’acquérir ce bien à travers un financement de ladite institution. Ceci est fait tout en respectant les exigences charaïques des contrats élaborés.


- Il est possible que le client préfère que  l’acquisition soit faite auprès d’un fournisseur bien particulier malgré l’existence du bien désiré chez d’autres fournisseurs. Dans ce cas, et puisque la base de tout contrat est le consentement, il est libre de choisir le fournisseur et l’institution aussi a le droit de présenter son accord ou son refus selon les conditions de marché qui lui conviennent.


- La volonté exprimée par le client ne présente pas une obligation contraignante sauf si celle-ci est explicitement concrétisée à travers une déclaration formelle. Dans ce cas, cet acte formel peut être préparé et signé par le client et peut être aussi un formulaire standard préparé par l’institution à  cette fin.


- Le client peut présenter à ce stade une offre de prix du bien qu’il désire acquérir pour avoir une idée approximative du coût de l’opération. Cette offre de prix peut être soit au nom du client soit au nom de l’institution. Elle va servir comme un préalable à la Mourabaha mais ne représente pas en même temps une obligation. En cas d’accord et consentement et que cette offre de prix est au nom du client, il doit y avoir une renonciation de cette offre de la part de ce dernier au profit de l’institution pour qu’elle soit le premier acquéreur auprès du fournisseur.

 

1.2  ATTITUDE DE L’INSTITUTION FACE À LA  DEMANDE DU CLIENT

 

- S’il y a un accord préalable entre le client et le fournisseur ou des échanges de prestations mutuelles, l’institution financière islamique doit refuser de réaliser cette demande de financement Mourabaha. En effet, le contact financier et opérationnel doit se faire entre la banque et le fournisseur de bien afin d’être en conformité avec les procédures de la finance islamique relatives aux contrats d’achat et de vente.


- Comme continuité à la nécessité d’avoir la relation d’affaire entre la banque et le fournisseur, tout acte établi au préalable entre le fournisseur et le client doit être résilié effectivement et ne peut nullement être transféré à la banque. En d’autres termes, si cette résiliation n’est pas établie, on aura une situation où une opération d’achat du même bien est effectué doublement ; ce qui affecte la conformité juridique et charaïque de l’opération de financement.

 

Ceci est un argument en faveur d’une différence majeure entre la Mourabaha et le contrat de crédit conventionnel où on n’exige pas une telle résiliation préalable.


- L’institution financière doit s’assurer que le fournisseur auprès duquel elle va acheter le bien n’est pas le client ou son mandataire. En d’autres termes, le bien à acquérir ne doit pas être la propriété du client ou d’une personne/institution qui le représente. Dans ce cas de figure, l’opération ne doit pas être réalisée mais elle le sera le cas échéant. Un cas pratique se présente ici où on ne peut pas procéder à une opération Mourabaha entre deux sociétés d’un même groupe appartenant au même propriétaire. Dans ce contexte, l’on pourrait se poser alors la question de la conformité d’une opération Mourabaha entre deux parties présentant un lien de parenté. Il peut s’agir, par exemple, de conjoints ou personnes avec des liens familiaux. Du fait que chacune des personnes, même s’il s’agit des proches, représente une entité juridique indépendante, il est possible d’effectuer des opérations Mourabaha entre ces parties liées. Cependant, il est préférable de les éviter afin de ne pas avoir une opération de crédit conventionnel camouflée.

 

- Il existe des catégories de bien où l’institution financière ne peut pas effectuer des opérations de Mourabaha différées. Il s’agit de l’or, de l’argent et des devises. Il s’agit d’un alignement avec la citation du prophète Muhammad (que la paix d’Allah soit sur lui) qui stipule un échange égal et en temps réel d’un certain nombre de biens qui présentent des caractéristiques communes de nécessité et de valeurs quantifiables. En plus, on ne peut pas renouveler la Mourabaha sur le même bien puisqu’il y a déjà transfert de propriété de cet actif au profit du dernier acquéreur. Dans la pratique, on trouve ce qu’on appelle la Mourabaha Revolving qui consiste à un contrat Mourabaha renouvelable mais sur plusieurs biens. Elle est utilisée principalement pour le financement de stocks pour les entreprises industrielles et commerciales.

 

1.3 PROMESSE DU CLIENT


 

- L’acte de promesse ne doit pas contenir des clauses contraignantes puisque son objectif est de s’assurer du sérieux des parties contractantes sans leur mettre l’obligation de réalisation des opérations.


- La promesse n’est pas une étape obligatoire dans la réalisation de la Mourabaha. Il s’agit simplement d’une phase qui vise à rassurer les parties contractantes et surtout l’institution financière qu’il y a du sérieux dans la réalisation de l’opération de financement.

En effet, dans le cadre de la Mourabaha pour donneur d’ordre, l’institution financière islamique va acheter le bien spécialement pour le client définitif qui va l’acquérir. C’est pourquoi l’acquisition expose l’institution financière à un risque de dépenses engagées sans qu’il y ait achèvement de l’opération de financement. Par analogie, si l’institution financière dispose déjà du bien en stock, ou s’il y a des conditions de marché favorables pour l’écoulement du bien cette phase de promesse peut être négligée.


- Cette étape de promesse peut être réalisée sous forme d’acte mais qui contient des clauses non contraignantes pour les deux parties.

 

Il s’agit d’informations optionnelles pour les parties contractantes en cas d’achèvement du financement.


- Les clauses de la promesse peuvent être modifiées avec consentement des deux parties contractantes. Ces changements peuvent concerner la durée de remboursement, la marge bénéficiaire… Ces changements éventuels peuvent survenir durant la phase de promesse mais avant la signature du contrat Mourabaha.


- Dans la pratique et pour remédier à la situation d’incertitude quant à l’acquisition effective du bien par le client, l’institution financière peut opter pour l’achat du bien avec l’option de faire retourner le bien au fournisseur en cas de non acquisition par le client. Cette option est généralement conditionnée par un horizon temporel bien déterminé.

 

- Les clauses de la promesse peuvent être modifiées avec consentement des deux parties contractantes. Ces changements peuvent concerner la durée de remboursement, la marge bénéficiaire… Ces changements éventuels peuvent survenir durant la phase de promesse mais avant la signature du contrat Mourabaha.

 

1.4 COMMISSIONS ET DÉPENSES


- Les dépenses de préparation des contrats élaborés entre l’institution financière islamique et son client peuvent être partagées entre les parties contractantes. Néanmoins ces parties peuvent se mettre d’accord sur le fait que seule l’une d’entre elles supporte ces frais. Ces dépenses doivent être équitables et représenter les frais réels engagés dans les démarches juridiques entreprises. Ceci est d’une grande importance pour éviter toute ressemblance avec les commissions d’engagement ou les commissions de facilités qui ne sont pas conformes avec les principes de la finance islamique vu qu’elles ne représentent pas les dépenses réelles engagées.


- Dans la pratique, on peut trouver des opérations de financement Mourabaha qui se font de façon collective entre plusieurs institutions financières. Dans ce cas, il y a une institution qui se charge de l’organisation pour coordonner entre les différents intervenants. Cette institution «organisatrice» peut facturer une commission qui correspond au travail effectif engagé d’organisation et de coordination.

 

Si l’institution financière effectue une étude de rentabilité de l’opération de financement à la demande du client et avec son consentement, elle peut facturer une commission à la charge du client et dont le montant est convenu d’avance. Cette commission correspond à une contrepartie d’un travail effectif effectué par le personnel de l’institution financière à travers des études de rentabilité permettant d’évaluer la transaction financière.

 

Quels sont les garanties qui peuvent être demandées pour une opération Mourabaha ?

 

En quoi consiste la phase de possession du bien par l’institution financière et comment s’établit la phase de transfert de propriété vers le client final ?

 

A suivre…

 

 

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